Les juifs de Tunisie au combat (1914-1945)

À la différence de leurs coreligionnaires algériens devenus citoyens français en 1870 (décret Crémieux), près de 90 % des juifs de Tunisie sont de nationalité tunisienne lors du protectorat français (1881-1956). Ils sont à ce titre appelés « indigènes » par la puissance coloniale, et soumis aux lois du bey. Juifs en terre d'Islam, ils n'ont pas le droit de porter les armes, et ne peuvent combattre qu'en contractant un engagement volontaire. À leurs côtés, les juifs de Tunisie de nationalité italienne et française sont mobilisés dans leurs armées respectives, jusqu'à ce qu'ils en soient exclus suite aux lois fascistes (1938) et au statut des juifs (appliqué en Tunisie en novembre 1940). Malgré les obstacles posés par l'autorité coloniale et la permanence des discriminations, plus de 1 200 juifs de Tunisie combattent dans les armées françaises dans les deux guerres mondiales. Dans l'entre-deux-guerres, la génération de 14-18 participe activement aux commémorations, mène le combat pour l'amélioration de la situation des juifs de Tunisie et contre l'essor de l'antisémitisme en Afrique du Nord (pogrom de Constantine en 1934) et en Europe. Elle encourage aux engagements volontaires en 1939.
La douloureuse expérience du régime de Vichy et de l'occupation de la Tunisie par l'Axe (novembre 1942-mai 1943), ne les décourage pas : les Forces françaises libres recrutent des centaines d'entre eux qui participent à la libération de l'Europe. Comment expliquer cette détermination à combattre pour la France, et malgré les trahisons de la France ?
Cette étude, appuyée sur une méthode prosopographique et sur de très nombreuses archives, s'approche au plus près des soldats jusqu'ici oubliés de l'histoire, afin de comprendre leurs motivations liées aux contextes locaux et internationaux.