Les visages de l’État social

À l’issue de la Première Guerre mondiale, l’état de la population civile
inquiète pouvoirs publics et philanthropes : les familles de milieux
populaires font face à un ensemble de « fléaux sociaux » aggravés par la
guerre (pauvreté, prévalence de la tuberculose, chute de la natalité, etc.) et
qui risquent d’affaiblir le corps social. Nés d’initiatives privées, les
premiers services sociaux apparaissent dans les années 1920 en se donnant pour
but de moderniser l’assistance et d’éradiquer la misère à la racine. L’ouvrage
explore la naissance d’une profession au cœur de l’État social mais dont
l’histoire reste encore dans l’ombre : celle des assistantes sociales. Dans l
’entre-deux-guerres, ces jeunes femmes de la bourgeoisie se donnent pour
mission d’aller à la rencontre des familles populaires afin de les « relever »
moralement et matériellement. Lola Zappi s’est immergée dans les dossiers
individuels du Service Social de l’Enfance qui, à Paris, agissait pour le
compte du tribunal pour enfants. Partant de ces récits, son ouvrage éclaire
sous un jour nouveau la construction de l’État social. Alors que le travail
social a longtemps été analysé comme un outil de contrôle s’exerçant sur les
familles populaires, l’historienne révèle les limites de ce modèle en
analysant le déploiement du travail social sur le terrain. Elle montre que la
relation d’assistance se caractérise surtout par des négociations constantes,
mettant en face à face des assistantes manquant de moyens juridiques et
financiers pour faire appliquer leurs décisions et des familles assistées
soucieuses de conserver leur autonomie. Ainsi, la rencontre entre assistantes
sociales et familles assistées est intrinsèquement ambivalente : entre
bienveillance et surveillance, aide et défiance, traduisant les ambitions et
les limites de la prise en charge des personnes vulnérables à l’époque
contemporaine. Post-doctorante à l’université d’Harvard, Lola Zappi est
chercheuse associée au Centre d'histoire de Sciences Po. Cet ouvrage est issu
d’une recherche déjà doublement primée (prix de thèse d’histoire de la
sécurité sociale et prix de thèse en lettres et sciences humaines de la
chancellerie de Paris).