La souveraineté invisible
EAN13
9782841625444
Éditeur
L'Eclat
Date de publication
Collection
ECLATS
Langue
français
Langue d'origine
allemand
Fiches UNIMARC
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La souveraineté invisible

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Indisponible
Ces 7+1 essais de Martin Buber, écrits sur l'arc de quarante années,
témoignent de la permanence de la réflexion politique chez cet homme qui a été
au coeur de la spiritualité juive et dont l'oeuvre n'est encore connue qu'à
travers quelques essais philosophiques (le Je et Tu) et ses travaux sur le
hassidisme, même si son Utopie et socialisme (au titre français trompeur) a
marqué les esprits et a été récemment réédité en France par L'échappée en
2016. Proche ami de Gustav Landauer, assassiné à Munich par la soldatesque en
1919, Buber a su associer une réflexion profondément ancrée dans le judaïsme à
un attachement jamais démenti envers la pensée anarchiste sous ses formes les
plus multiples. Il incarne à ce titre un anarcho-judaïsme, et même un anarcho-
sionisme que les radars de la pensée radicale n'a jamais été vraiment en
mesure de détecter (probablement parce que l'un volait trop haut et l'autre
trop bas, sans qu'on s'avance à identifier l'un ou l'autre). Ce petit volume
en témoigne, où la question n'est pas tant celle du 'socialisme', que celle
des pratiques de la politique qui ont pu nourrir une réflexion générale sur la
question des utopies. Qu'il s'agisse de la non-violence, prônée par Ghandi, ou
de la désobéissance civile théorisée par Thoreau, Martin Buber tresse autour
de l'idée du «principe politique» non-dogmatique les fils multiples d'une
action radicalement alternative en vue d'un nation sans état autour de l'idée
de communauté ou commune dont le kibboutz ont pu constituer le modèle. Si
j'écris 7+1, c'est parce que le texte qui inaugure le volume: "Le livre
démoniaque" est d'une tout autre teneur. Buber s'intéresse à une vieille
légende bretonne. Le livre démoniaque « qu'on appelle AR VIF est un livre
énorme. Placé debout, il a la hauteur d’un homme. Les feuilles en sont rouges,
les caractères en sont noirs. Mais quand on s’en approche et qu’on l’ouvre, on
n’y voit que du rouge. Les caractères noirs ne se montrent que lorsque, après
avoir lutté avec l'AR VIF, on a fini par le maîtriser. C’est que ce livre est
vivant. Il répugne à se laisser consulter. Il faut être plus fort que lui pour
lui arracher ses secrets. On doit le rosser, pendant des heures entières,
comme un cheval rétif, jusqu’à ce que, baigné de sueur face au livre dompté,
on puisse le lire. C’est un livre dangereux. On doit le maintenir fermé à
l’aide d’un gros cadenas et on le suspend, au moyen d’une chaîne, à la plus
forte poutre. Il est nécessaire que cette poutre ne soit pas droite, mais
tordue. ... Je pense que chaque véritable livre est un Ar Vif. Les véritables
lecteurs le savent, mais les véritables écrivains le savent encore mieux – car
seule l’écriture d’un véritable livre est affaire de risque, de lutte et de
maîtrise. Certains perdent courage au beau milieu du combat et achèvent
l’écrit qu’ils avaient commencé dans les caractères arrachés aux mystères, en
utilisant les lettres vaines et sans effet de leur arbitraire. Dans ce monde
où il se fait tant de livres, la réalité de l’esprit demeure infime.» Ce court
texte nous a semblé très approprié pour ouvrir cette petite anthologie. Martin
Buber (Vienne 1878-Jérusalem 1965) a enseigné à l’université de Francfort,
avant de quitter l’Allemagne pour Jérusalem en 1938, pour les raisons que l’on
sait. Il rejoint alors un groupe d’amis qui œuvraient en Palestine mandataire
au sein de mouvements prônant la solution d’une terre pour deux peuples. On
peut lire lui en français Utopie et socialisme (1952) réédité récemment par
L’échappée (2016), ou la grande biographie: Martin Buber, sentinelle de
l’Humanité, Albin Michel 2015, que lui a consacré Dominique Bourel. L'éclat a
publié en 2018 un ensemble de textes: Communauté, également traduit par Gaël
Cheptou et préfacé par Dominique Bourel.
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