De la société à la sociologie

Les discussions sur l’existence ou non d’un deutscher Sonderweg, d’une « voie
allemande » originale, font partie, pour le meilleur et pour le pire, de
l’histoire de la culture allemande. Ce débat mérite d’être mené en
particulier, fût-ce rétrospectivement, à propos de la science de la société.
D’un côté, vers la fin du xixe siècle, se constitue en Allemagne une «
sociologie » illustrée par les noms de Tönnies, de Simmel, de Weber, et qui,
malgré sa diversité, tient à affirmer l’originalité de son projet théorique
par rapport à la sociologie française dominante, d’inspiration comtienne ou
durkheimienne. De l’autre, la culture allemande a aussi, quelques décennies
plus tôt, donné naissance, grâce à Hegel et à certains de ses héritiers (en
particulier Lorenz von Stein), à une théorie nouvelle de la « société » fondée
sur la distinction entre celle-ci et l’État. S’il y a lieu, bien entendu,
d’établir un lien entre ces deux phénomènes, quelle est sa nature exacte ? Y
a-t-il un chemin qui mène de la découverte de la société (Gesellschaft) à la
Soziologie, et quels en sont les détours ? Telle est la question à laquelle
les auteurs ayant participé à ce volume, qu’ils soient juristes, sociologues
ou philosophes, ont été conduits à réfléchir. La diversité de ces parcours à
chaque fois singuliers dans la préhistoire et l’histoire des sciences sociales
en Allemagne a permis d’élargir le champ de la réflexion et d’en affiner la
teneur.